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Un oeil sur le monde
8 janvier 2012

De fil en aiguille, je me suis retrouvée à la rue.

Radoslava, 68 ans, est créatrice et vendeuse de bonnets à Saint Petersbourg, depuis 12 ans.

Doté d'un réel talent, c'est pourtant le genre de personne dont on a plutôt l'habitude d'éviter le regard. Petite vieille rabougri, le teint blafard, les cheveux hirsutes, sale sur elle, une paria de la société russe. Posant là, devant une dizaine de bonnets, type péruviens jonchés d'un joli pompon, exposée sur une grille protégeant la fenêtre d'un immeuble à l'architecture italienne du XVIIIème siècle. Avec aux mains, une paire de gants blancs pisseux et une guenille en laine violette deux fois trop grande pour elle, qu'elle porte sur le dos, avec à ses côtés, un caddie remplie d'immondices.

Femme de caractère, elle a le don de vous montrer qu'elle existe, d'une hardiesse dont elle n'a rien à envier aux camelots de souk, une voix rauque tout droit sortie d'une campagne publicitaire contre le tabagisme, vient vous agresser dans une langue incompréhensible.

Et c'est en essuyant un refus, qu'elle vient à vous répondre en anglais. Chose dont on ne s'attend pas vraiment venant d'une femme de son rang.

Avant de vendre des bonnets, notre mégère était infirmière. En 1995, c'est en intégrant le "groupe d'action" russe, pendant la guerre du Kosovo, qu'elle est affectée au poste de secours avancé d'une caserne américaine. Début 1996, un attentat est revendiqué par la ligue démocratique kosovare, dans un camp de réfugiés serbes de Bosnie.

Notre vendeuse de chapeaux était à cette position. Lors de cette offensive, elle en a payé un lourd tribut. Soignée en hôpital militaire, elle est rapatriée en Russie, environ un mois après le drame.

Ne voulant pas être une charge pour la seule personne de sa famille qui lui reste : sa sœur, notre écorchée décide de partir en foyer. Ne touchant aucune retraite et qu'une très maigre indemnité pour son invalidité, il lui faudra peu de temps pour dilapider ses économies. C'est ainsi, qu'en deux ans, elle finit par troquer ses aiguilles à recoudre pour celles à tricoter et se retrouve sur l'asphalte saint-pétersbourgeoise.

Nous proposant ses œuvres pour 1000 roubles l'unité (environ 25€) et avec une moyenne de deux ventes par semaine en étant au rendez-vous tous les jours, elle parvient à survivre. Dotée d'une incroyable détermination, elle sait passer outre son handicape social et garder la tête haute.

A l'occasion, de passage à Saint-Pétersbourg, passez au 43, Naberezhnaya kanala Griboyedova, face au canal, et achetez un bonnet, c'est là, où la femme tronc a pris racine.

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